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La Pédagogie sociale "light": étude sur la tentation de dissolution

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La Pédagogie sociale "light": étude sur la tentation de dissolution
23 Juin 2024

La Pédagogie sociale "light": étude sur la tentation de dissolution

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Les actions en Pédagogie sociale constituent souvent un terrain de découverte fondamental inaugural pour de nombreux acteurs sociaux, qui ne sont  pas toujours en mesure d'en comprendre le sens et la portée. Se focalisant sur des détails, ou plutôt en se centrant sur leur propre expérience, ils ne tardent pas à transformer l'inspiration en Pédagogie sociale, en quelques recettes dont ils se déclarent dès lors, spécialistes.

Nous connaissons bien les résistances à ce type d'action, en provenance des institutions et des collectivités. Il est beaucoup plus difficile de protéger une organisation en Pédagogie sociale de la tendance à se l'accaparer de la part des acteurs eux mêmes et des membres de l'équipe (professionnels ou bénévoles).

La Pédagogie sociale peut ainsi se voir dénaturée de l'extérieur, sous forme de mise en péril (financier, administratif, juridique), de l'action, mais aussi depuis l'intérieur, par la tentation des acteurs à la simplifier et à se l’approprier.

Déni du contexte

Incapables de voir l'énergie qu'il a fallu pour rendre possibles une telle organisation et les actions qui en découlent, ils s'imaginent qu'il suffit de "faire" un atelier de rue, ou une quelconque activité, sans se confronter aux freins et aux obstacles qui en constituent le sens.

Le désir d'accaparer et de s'approprier comme un bien, ce qui n'est qu'un combat, les pousse à se présenter comme experts d'une opération dont ils ignorent ou ne veulent pas connaître l'essentiel.

Dès lors, ils n'ont de cesse de répéter et de ritualiser des actions , des activités, qui s'éloignent de plus en plus de tout contexte.

Déni de l'ensemble

L'ensemble des actions qu'une organisation vivante en Pédagogie sociale a pu déployer à un instant "T", leur apparaît comme une collection d'actions immuables,  avec peu de liens entre elles, qu'ils ne tarderont pas à rendre indépendantes les unes des autres, au détriment de la réflexion qui les unit. Chaque membre de ce qui constitue de moins en moins une équipe, qui a perdu le fil de la Pédagogie sociale, n'a plus de cesse que de s'approprier tel ou tel secteur d'activité afin d'y laisser sa marque personnelle, et même avec une forme de concurrence avec les autres membres de l'équipe.

Une fois qu'on a ainsi perdu le sens de l'ensemble, la fragmentation ne s'arrêtera plus; chaque pédagogue se voit lui-même, de plus en plus comme un travailleur indépendant, travaillant dans un ensemble problématique.

Déni des enjeux

Pour qui a perdu le sens (ou ne l'a pas acquis) de ce que la Pédagogie sociale constitue comme rupture, l'activité , le travail quotidien ne se questionnent plus. Tout ce que l'on fait semble "bon en soi" et se justifie par cette qualité plus déclarative que réelle.  Un sentiment d'évidence plane dans la réflexion de l'équipe qui a perdu sa boussole.

Peu à peu les récits d'ateliers, les bilans d'activité accumulent des clichés, des pétitions de principe. Les actions ne sont plus justifiées par des constats sociaux ou environnementaux; elles s'appuient sur les bonnes intentions des acteurs et se délient ainsi des enjeux sociétaux réels. Une forme de normalisation en découle; il faut comprendre cette normalisation comme production de normes.

Il y a  fort à parier que cette version simpliste du travail en Pédagogie sociale, paraisse plus "sérieuse", plus valable, plus "professionnelle", aux yeux de ceux qui s'y emploient, que la dynamique qui l'avait précédée. L'absence de conflictualité leur apparait comme un gage de la maturité de l'action, alors qu'il ne s'agit que de déconnexion. Il s'agit de fonctionner et en soi, ce fonctionnement rassure, non pas les publics, mais les acteurs.

Déni de la conflictualité

Toute action sociale, éducative est une violence. On ne peut agir sur les déterminants politiques, sociaux, environnementaux, administratifs, sanitaires et culturels,  qui nous préoccupent, sans mettre en œuvre un rapport de force qui suppose énergie et continuité.  Cela est naturellement épuisant. Il serait tellement plus simple de se contenter de proposer ses actions en imaginant comme évidente l'adhésion des publics, des institutions et des collectivités.

Il n'y a plus de prise en compte des rapports de force, de répression, d'exclusion contre lesquels on s'organise. On suppose à l'inverse des situations "naturelles", des problématiques qu'il suffirait juste de "corriger". On va apporter un peu de bienveillance, de culture, d'éducation, à ceux qui en manquent.  Le schéma est simpliste mais attractif.

Déni de la rencontre

Tous les acteurs en Pédagogie sociale se sont trouvés bouleversés des rencontres avec des réalités sociales et des publics ignorés ou invisibles depuis les institutions.  C'est ce "bouleversement" permanent qui permet à ces initiatives de ne pas se diluer comme tant d'autres dans une sorte "de dispositif" qui en normaliserait le fonctionnement.

Les acteurs sociaux engagés dans ce type d'action, qui n'ont pas pour eux même, opéré un tel "bouleversement", soit qu'ils soient arrivés récemment  dans la structure,  soit qu'ils se soient montrés résistants face au bouleversement nécessaire, n'ont pas su déplacer leur attention de leur activité  vers les publics. Irrémédiablement, au cœur de leur activité, "ils retournent à eux-mêmes". Leurs intentions, leurs projets occupent tout leur esprit et ils ne modifient en rien leur vision du monde , de la société, leurs postures morales, individuelles et sociales, au contact des réalités qu'ils rencontrent. Ils ne recherchent que de la confirmation pour ce qu'ils ne questionnent plus.

En tant qu'acteurs, ils ne sont plus transformés par ce qu'ils font et il y a malheureusement à craindre que leur activité elle-même perde ce pouvoir de transformation, auquel ils se refusent pour eux-mêmes.

Labilité et agilité des structures en Pédagogie sociale

Comment conserver une action en Pédagogie sociale dans le Temps? Cela pourrait ressembler parfois à un casse-tête impossible. La transmission en Pédagogie sociale s'apparente trop souvent à une réduction, dilution ou disparition.

L'erreur est peut être de vouloir à tout prix pérenniser les structures, alors que c'est la démarche qu'il s'agirait au contraire d'assurer et de répandre. La pédagogie sociale représentée dans une seule structure, au sein d'un environnement institutionnel immuable, pourrait bien relever d'une forme d'impasse.

Faute de modifier l'environnement institutionnel, c'est bien la structure en Pédagogie sociale qui risque de s'institutionnaliser.

Une autre voie serait peut être de former les acteurs de toutes les institutions à la nécessité de se tourner vers les principes fondamentaux de la Pédagogie sociale: l'inconditionnalité, le décloisonnement, la pédagogie du don, de la joie et de la relation. Le changement, dès lors, serait inévitable.

 

 

 

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