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Le travail contre l'activité

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Le travail contre l'activité
28 Avr 2024

Le travail contre l'activité

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Le changement radical et sociétal , le plus important que nous vivons actuellement, concerne notre relation au travail. La précarisation de l'emploi , amorcée depuis les années 80 aboutit aujourd'hui à un renversement total de notre manière d'appréhender le travail dans nos vies.

Ce changement tient en cinq phrases :

1- Nous n'attendons plus du travail qu'il révèle nos capacités et nos compétences, nous craignons qu'il nous disqualifie.

2-Nous n'attendons plus du travail qu'il nous épanouisse et enrichisse notre vie personnelle, nous redoutons qu'il nous fasse souffrir et qu'il nous épuise.

3-Nous n'attendons plus du travail qu'il nous enrichisse et qu'il détermine une ascension personnelle ou familiale,  nous avons peur au contraire qu'il nous appauvrisse.

4- Nous n'attendons plus du travail qu'il développe nos relations amicales ou sociales,  nous craignons qu'il nous isole.

5- Nous ne croyons plus que le travail va nous rendre plus forts, mais nous ressentons au contraire qu'il peut à tout moment faire de nous des "victimes".

Le travail n'est plus perçu comme une possibilité de développement de soi même, mais appréhendé comme une sorte de mutilation.

Bien entendu, dans les milieux favorisés et riches, le travail a conservé une valeur positive, qui fait grandement défaut à tous les autres milieux.

Je ne parlerai donc ici que de ce qu'il en va pour les milieux "populaires".

C'est ce changement dans la valeur du travail et pour ces milieux populaires, qui inspire toutes les craintes sociétales et les débats actuels sur des thèmes comme "la grande démission",  ou l'éventuel manque d'engagement et d'investissement des "nouveaux professionnels".

Le décrochage au travail,  les postures de repli, de réserve , de nomadisme professionnel, constituent des réactions défensives face à la nouvelle peur qu'inspire la notion de travail.

Or, il n'est pas indifférent qu'au moment même ou la valeur du travail connaît une telle dépréciation,  que l'activité et même l'hyperactivité envahisse notre vie.

Car le second phénomène concomitant au désamour du travail,  est bien l'avènement de notre hyperactivité qui détermine notre indisponibilité.

Nous sommes désormais perpétuellement occupés par mille tâches quotidiennes qui remplissent tout notre temps. Même dans les transports, dans notre bain, le soir dans notre lit, nous sommes requis pour entretenir nos réseaux via les écrans. Notre simple vie quotidienne, et pour qu'elle puisse juste se poursuivre en l'état nécessite une agitation et une préoccupation de tous les instants en de multiples démarches. Nous sommes envahis par des listes de tâches qui remplissent notre temps.

Il est nécessaire d'appréhender la relation entre ces deux phénomènes, non pas comme une coïncidence ou une simple conséquence , mais comme une "dialectique".

Nous ne sommes en effet pas simplement sur-occupés car nous désinvestissons le travail, mais nous désinvestissons aussi le travail au motif de cette sur-occupation.

La valeur de l'activité et celle du travail sont en effet dans une relation dialectique d'opposition et de contradiction.

Or la spécificité de l'activité vis à vis du travail, ce qui constitue sa différence, c'est que l'activité n'a pas de termes ni de limites. Elle s'alimente et  sans fin, toute seule.

C'est l'effet de notre activité qui génère perpétuellement de nouvelles activités. Parce que nous surconsommons par exemple de la "fast-fashion", nous sommes incités à revendre ce que nous avons acheté ce qui constitue un volume d'activité conséquent et supplémentaire.

Parce que nous voulons rendre visible notre activité (et non pas notre travail) sur les réseaux sociaux, nous sommes assujettis à nous employer sans fin à de nouvelles communications, sous peine de "disparaître".

A la différence du travail, l'activité ne produit pas d'effet durable et nous force constamment à la renouveler.  Et ce , quel qu'en soit le domaine. Ainsi si nous commençons à nous investir dans des activités physiques, la logique nous poussera constamment à renforcer celle-ci , jusqu'à ce qu'elle prenne l'essentiel de notre temps.

A la différence du travail qui en théorie est unique,  limité et déterminé, les activités  sont multiples et ne s'excluent pas. Elles ne font que s'ajouter les unes aux autres et ce dans tous les domaines de notre vie, depuis l'entretien de notre corps, la recherche esthétique, en passant par la cuisine, le bricolage,  ou ce que nous nommons encore les loisirs.

Même les personnes les plus précaires dans notre société, celles pour qui on aurait tendance à penser que le travail est ce qui leur manque le plus, l'hyperactivité est partout. C'est en effet parce qu'ils sont monopolisés par des quantités infinies de tâches , toutes plus urgentes les unes que les autres,  que les mêmes précaires se considèrent comme indisponibles pour se saisir d'un emploi.

L'urgence est en effet une autre caractéristique de l'(hyper)activité, à la différence du travail qui pousse plutôt à l'organisation et à la maîtrise des tâches à accomplir, et donc du temps.

L'activité est dépossession de soi-même comme de la maîtrise du temps.

Or , ce qui est socialement en crise aujourd'hui c'est bien un modèle particulier de la conception du travail qui a trouvé ses limites. C'est la conception du travail théorisé par Gorse, à travers le triptyque "emploi- loisirs-chômage" ; un travail perçu comme une aliénation , qui nécessite pour être supporté la centration sur les loisirs et qui se perpétuait par la peur du chômage.

Le travail en lui même, pour ce qu'il devrait être fondamentalement n'a pourtant rien perdu de sa valeur et de sa nécessité. Le travail consiste à en effet fondamentalement à rompre l'ordre des choses, à lutter contre les problèmes que nous rencontrons pour améliorer notre vie et notre environnement. Le travail repose sur la rupture et sur la nécessité comprise d'améliorer la situation actuelle, pour soi-même comme pour les autres. Le travail est production, création, destruction quand il le faut, pour rendre notre environnement vivable. En cela il est une nécessité et une particularité humaine.

Or ce véritable travail a progressivement disparu du monde de l'emploi salarié, laissant derrière lui un vide que remplit l'activité au point d'envahir nos vies.

Les fausses promesses de l'activité de nous révéler , de nous libérer , de nous épanouir et parfois même de nous enrichir (comme nous le promettent constamment les réseaux sociaux) nous divertissent, nous isolent et nous égarent.

Le seul remède à cette situation consiste à délier la notion du travail, de sa caricature capitaliste sous la forme du salariat et du précariat.  Le vrai travail en lui même est en effet délié et indépendant de toute relation à la notion de rentabilité dans une économie de marché.

Nous aurions dû faire depuis l'enfance l'expérience du travail comme moyen de transformation et d'amélioration de la réalité.

C'est l'objet d'une pédagogie du travail comme la Pédagogie Freinet.  Cette pédagogie vise à donner une vision positive de la notion de travail , comme un moyen d'émancipation, d'organisation, et de lutte contre le risque d'envahissement ... de l'activité!

 

 

 

 

 

 

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