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Les nouvelles modalités d’orientation professionnelle vers le Secteur social n’amènent pas seulement un changement de publics et de profils, mais ont également un impact sur la manière, pour chaque étudiant, de vivre sa formation professionnelle. L’attitude face au parcours théorique est également bouleversée. Ce qui est en jeu c’est la construction de l’identité professionnelle du travailleur social.
Que peut-il découler de la forme d’un choix d’orientation sur le destin d’une formation professionnelle ?
De toute évidence, cela influe. Jusque dans les années 2010, les abandons d’étudiants en cours de formation étaient plutôt rares. Ils étaient d’ailleurs souvent vécus comme des incidents, des exceptions et parfois même comme des drames, pour des camarades de promotion ou pour les formateurs.
On n’avait pas su, pas pu accompagner tel ou tel étudiant. On ne croyait pas vraiment d’ailleurs à cet abandon, tellement il paraissait impensable. On se racontait que ledit étudiant reviendrait peut-être au bout d’une année ou deux ou que plus simplement encore, il trouverait à travailler dans ce même secteur, par un autre biais.
Il n’en est plus de même pour les abandons actuels. Ceux-ci prennent la forme d’une évaporation ; d’une disparition progressive, voire inévitable d’une fraction significative de l’effectif d’étudiants. Une sage gestion administrative devrait même les prévoir, les anticiper et en tout cas compter dessus.
Ceci est un premier point. L’entrée en formation de travailleur social n’est plus un choix assuré. C’est un choix soumis à des aléas, à des risques d’abandon, de découragement ou de déception pour celui qui l’a fait.
Cette mutation n’est pas que de pure forme, elle a un aspect quasi existentiel. En effet, c’est dans son vécu au jour le jour de sa formation, que l’étudiant va faire l’expérience de la précarité et de la réversibilité de sa décision, de son orientation.
Il fut un temps où les choix d’orientation, surtout dans le domaine social semblaient avoir un caractère irrévocable. Il n’a certainement jamais existé quelque chose que l’on pourrait désigner comme une « vocation pour le Social », en général. Mais à l’inverse il existait bel et bien pour l’immense majorité de ceux qui se sont dirigés vers les métiers du Social jusque dans les années 2000, une forme « d’irrévocabilité » de la décision de travailler dans ce domaine. Une telle certitude semble aujourd’hui bel et bien révolue.
C’est dans la relation quotidienne avec la découverte de son parcours de formation, que chaque étudiant aujourd’hui a à se confronter avec la précarité de son engagement. Chaque cours, chaque matière, chaque stage, la rencontre avec tel ou tel formateur, chaque année, chaque rentrée scolaire, chaque événement dans sa vie personnelle, ayant un impact, tout peut constituer un sérieux motif de désillusion, de doute susceptible de remettre en cause, à chaque stade, la décision de mener au bout et à bien sa formation.
L’obtention du diplôme lui-même, après la validation de la formation entière ne suffit même plus actuellement à assurer que le jeune travailleur social, à présent diplômé, ira bel et bien travailler dans le secteur pour lequel il a tant investi.
De nombreux étudiants diplômés chaque année, semblent éprouver le désir ou le besoin de prendre « une année sabbatique ». Un tel veut voyager à travers le Monde ; tel autre veut prendre « une année pour lui », faire un break, une pause. D’autres encore enchaînent avec une nouvelle formation, parfois sans avoir pris le temps d’exercer un tant-soit-peu le métier pour lequel il s’était préparé.
Ainsi, la précarité du choix fait à l’origine, de l’engagement pris, n’affecte pas que le simple temps de la formation mais continue bien souvent à mettre en doute les premières années d’exercice professionnel.
Il s’agit là d’un risque perpétuel de décrochage de l’étudiant en travail social, mais ce décrochage ne se limite pas au risque d’abandon de la formation ou du projet d’emploi ; il affecte également la manière de recevoir la formation, les enseignements, ce que l’on en retire.
La formation en travail social a longtemps été pensée comme une formation professionnelle ; c’est-à-dire principalement destinée à déconstruire les idées que le travailleur social en formation pouvait avoir de son métier, des publics et de ses fonctions.
Inspirée par les idées de l’Éducation nouvelle, la formation en Travail social était conçue comme un accompagnement de l’étudiant vers la construction de son identité professionnelle.
Les apports théoriques étaient souvent sommaires ; le plus souvent de seconde main : non pas dispensés par des universitaires ou des spécialistes, mais transmis par des professionnels sociaux en poste sous la forme de ce que l’on nommait « des interventions ». On était loin de l’idée d’un cours, d’un programme, d’un socle, ou d’un enseignement de type universitaire.
Actuellement, du fait de l’harmonisation européenne des qualifications, mais plus encore sous l’impulsion d’une nouvelle logique économique qui vise à mutualiser les enseignements entre filières et universités, on parle davantage de « cours », de tronc commun et de programmes d’enseignement.
Rien d’étonnant dès lors que l’attitude des étudiants actuels vis-à-vis des cours devienne elle-même, de plus en plus scolaire, voire « potache ».
Les cours sont jugés et appréciés par les étudiants par leur capacité à être simples, clairs, compréhensibles. De fait, la construction de l’identité professionnelle devient seconde remplacée par la peur de l’évaluation, de l’examen.
Une sorte de culture interne au groupe des étudiants s’installe autour de la peur des devoirs à rendre. Une culture assez obsessionnelle se déploie autour de la question de la date de remise des écrits, avec force négociations pour obtenir des délais plus longs, des dispenses ou des avantages.
Le travail écrit, à rendre fait peur. On en retarde l’échéance, on ne s’y met qu’en dernière limite et surtout on ressasse cette charge souvent fantasmée de travail pour affirmer aux intervenants et formateurs qu’on n’a pas le temps de lire des livres, voire même de regarder des films, de participer à des débats ou à des projets éducatifs et sociaux.
L’indisponibilité devient la caractéristique principale de la vie de l’étudiant, soucieux de préserver son temps et sa vie privée.
Une énergie énorme est déployée par les étudiants pour tenter de faire reconnaître des situations personnelles, difficiles, des problèmes spécifiques. Or, le refus ou les réticences des centres de formation ou des formateurs pour les prendre en compte, alimente assez souvent une forme de rancœur ou d’insatisfaction personnelle qui risque de durer tout au long de la formation et de provoquer soit son rejet, soit l’abandon en cours de route.
Dans ces conditions, les bases mêmes de l’action éducative et sociale sont difficiles à transmettre. De nombreux étudiants semblent penser que le travail social devrait s’appliquer d’abord à eux-mêmes, sous forme d’accompagnement, de bienveillance a priori, voire d’allègement des exigences les concernant.
Ce phénomène n’aurait que peu de conséquences dans le cadre d’études universitaires, classiques, non professionnalisantes. On pourrait y répondre par une forme d’indifférence, d’intransigeance ou d’élitisme assez classique. Il en va évidemment tout autrement dans le cadre d’une formation censée préparer l’étudiant à devenir un travailleur social, un acteur professionnel capable de se mettre au service des besoins de ses publics.
Nul ne sait où de telles choses pourront être apprises…
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