Pédagogie sociale et rapport au politique (partie II) : le rôle central de l'Organisation

Un seul but, un seul moyen: l'organisation  

Les expériences en Education nouvelle visent à faire vivre des expériences satisfaisantes et différentes, destinées à proposer d'autres modèles, tandis que les actions en Pédagogie sociale visent à développer la conscience de ce qui ne va pas dans la vie sociale actuelle et réelle.

Les pratiques en Pédagogie sociale visent à rendre plus vivables les réalités vécues par les groupes sociaux les plus précarisés et discriminés, sans pouvoir les modifier fondamentalement.

Le rapport au Politique , qui en découle, s'éloigne des enjeux de pouvoirs et des stratégies politiciennes ou électorales, pour apporter une expérience immédiate d'organisation. La vie , même dégradée, gagne à être organisée et c'est la recherche de ce constat qui guide toutes les actions en Pédagogie sociale.

L'organisation dont il est ici question est à la fois collective et personnelle. Le collectif qui se lance en Pédagogie sociale met à profit sa propre organisation pour permettre de telles expériences. Il s'agit d'une organisation sur laquelle, individuellement, comme collectivement on pourra s'appuyer fermement à partir du principe d'inconditionnalité qui est au coeur de cette pédagogie.

La violence sociale, institutionnelle,  administrative, culturelle, économique et politique qui s'abat actuellement sur les groupes sociaux les plus fragilisés, vise à la dépossession à la fois de soi-même et de toute possibilité d'existence sociale et citoyenne, en accaparant et noyant chaque individu dans la gestion de sa propre précarité et faillite, selon le dogme ultra-libéral.

La Pédagogie sociale vise ainsi à organiser la vie, quand justement celle-ci est vouée à la désorganisation et à l'isolement social.

Il s'agit bien évidemment d'une critique politique en actes qui vise à produire une expérience sociale commune, base indispensable de toute conscience sociale personnelle et collective.

Pédagogie sociale et apprentissage de la Liberté

Il ne peut pas y avoir de vie, de pensée politique sans Liberté. Si tout était déterminé, ce serait un mot vide de sens.  La vie des précaires est remplie de contraintes, qui s'enchevêtrent les unes aux autres. A priori, nous pourrions penser que cette vie précaire serait la négation même d toute possibilité de liberté.

Ce que permet une organisation en Pédagogie sociale, c'est d'expérimenter à l'inverse, concrètement, quotidiennement  la possibilité de la Liberté. Une liberté au milieu des contraintes, mais aussi une liberté qui se joue et joue avec les contraintes.  Une liberté peut être impossible, mais tout autant nécessaire, voire inévitable.  Une liberté qui s'autorise à occuper l'espace public quand tout nous porte à nous enfermer;  à s'exprimer socialement et personnellement quand plus personne ne nous écoute; à produire quand on est condamnés à consommer (de moins en moins bien), à donner quand on n'a rien,

Cet apprentissage d'une liberté nécessaire ne peut provenir d'aucun programme, d'aucun projet, d'aucune formation. Il ne peut provenir que de l'expérience d'une vie en commun, d'une vie partagée.

Seule une organisation permet la Liberté mais il n'y a pas besoin que ce soit une organisation que nous aurions créée; il suffit de s'appuyer sur une organisation suffisamment solide, sécure, inconditionnelle, pour en ressentir les effets.

La politique, par la Pédagogie sociale

Evidemment, la question du changement social et institutionnel, à partir des pratiques en Pédagogie sociale, reste ouverte. Est ce que les adultes, les enfants et jeunes qui ont bénéficié de nos actions,  deviendront pour autant des militants, des citoyens conscients et critiques?  Il serait bien hasardeux de le prétendre, tellement le discours politique est accaparé et contrôlé.

Pour autant, tous ceux que nous avons croisés,  gardent de leur expérience en Pédagogie sociale, la certitude de l'importance du Social, de la nécessité du Commun et de la capacité de faire société ensemble, quand nous nous en donnons les moyens.

Ce n'est pas qu'un début, c'est une Base, que les institutions actuelles ne savent plus garantir.